Par Michel Vauzelle, Président (PS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
Depuis le vote du Parti socialiste en faveur du
"oui", j'ai respecté la discipline démocratique de mon parti. En bon militant je
n'ai donc fait aucune campagne pour le "non". Mais, bien entendu, je serai
fidèle, en tant que citoyen libre, à mes idéaux et à mes convictions. Je
voterai donc "non".
Aujourd'hui, c'est en tant que président de Région que j'ai le devoir de sortir
de mon silence. Depuis plusieurs années, les Français, et singulièrement les
jeunes, disent, de plus en plus nombreux ne plus faire confiance aux
"politiques" ni à la politique.
Hélas, l'abstention et le vote pour les extrêmes rendent la démocratie chaque
jour plus fragile.
Traité ces jours derniers de "peureux" et de "paresseux" par ceux que Monsieur
Raffarin appelle la "France d'en haut", notre peuple n'est ni peureux, ni
paresseux.
Notre peuple reste porteur d'un rêve qui fonde son identité culturelle, sa
liberté, sa fierté "l'idéal républicain" qui est l'image de la France qu'aime le
monde depuis 1789.
Notre peuple veut croire encore à "une autre France possible" où tous les
Français, riches comme pauvres, seraient égaux en droit. Notre peuple veut
croire encore à une France qui n'abandonnerait aucun de ses enfants, même le
plus démuni.
Dans une France où l'injustice sociale reste scandaleuse, les Français ont le
sentiment qu'on prépare leur pays, et l'Europe, à plus d'injustice encore.
"En tant que citoyen libre, je serai fidèle à mes idéaux et à mes convictions,
je voterai non"
Les services publics sont en voie de privatisation. Les "usagers" laissent la
place aux "clients" et les "clients" les plus riches seront tout naturellement
les seuls bien servis. De plus, la soi-disant "élite" de la France pousse le
peuple à abandonner des "vieilleries" comme la Sécurité sociale pour accepter
la "modernité" de la loi de la jungle financière mondialisée. De riches experts
nous expliquent que l'application des principes républicains ne rapporte rien et
coûte cher, que la solidarité freine malheureusement le développement de la
richesse pour les riches.
Dans ces conditions, si l'on veut avoir en France encore moins de chômage qu'aux
Etats-Unis ou en Angleterre, pourquoi ne pas supprimer la Sécurité sociale et le
salaire minimum ? Pourquoi chacun ne donnerait-il pas, en plus de la Pentecôte,
le jour de Noël pour les personnes handicapées et le jour de Pâques pour les
enfants abandonnés ? Quant à la lutte contre le cancer, on pourrait créer un
autre Téléthon, ce qui rapporterait de l'argent pour les hôpitaux et de la
publicité pour certains.
La victoire de l'argent sur la morale et de la publicité sur la démocratie n'est
pourtant pas définitive.
L'argent et une certaine télévision ont gagné une bataille, pas la guerre.
Le 26 août 1789, les élus du peuple Français ont voté "le droit de résistance à
l'oppression". C'est l'article II de la Déclaration des droits de l'Homme et du
Citoyen. Cet article est toujours en vigueur dans la Constitution en tout cas
dans la Constitution française tant qu'elle n'est pas modifiée sur ce point par
les traités européens. En 1789, il s'agissait de résister au roi et aux
aristocrates. Plus tard, il fallut résister aux régimes totalitaires.
Aujourd'hui, il s'agit de résister à la souveraineté, du pouvoir de l'argent et
de la publicité.
Face à un tel défi, la République a besoin de tous ses partisans. Mais c'est à
la gauche d'être à la pointe du combat dans cette nouvelle Résistance. Face à le
Pen et à Sarkozy, battus en 2004, il faut rassembler la nouvelle gauche, celle
du XXIe siècle, avec les forces syndicales, le mouvement social, les
associations et tous ceux qui refusent avec l'évolution des moeurs sociales de
se regrouper. Des centaines de milliers de citoyens veulent désormais rester
libres de tout engagement partisan. Pour autant, ils doivent être rassemblés
dans la lutte : les jeunes, "les déçus du socialisme", les altermondialistes,
les écologistes, les chômeurs, "les délocalisés", les "délocalisables", les
ouvriers, les employés, les cadres, les agriculteurs, les chefs de PME, les
fonctionnaires, les militants des services publics de l'Education nationale (une
et indivisible), de la Santé publique (pour tous), de La Poste (pour tous), de
la SNCF (pour tous), du Logement (même pour ceux qui ne sont pas millionnaires).
"La France d'en haut" a donné la parole au peuple le 29 mai. Il faut absolument
que le peuple garde la parole après le 29 mai. Le rassemblement est possible. La
gauche qui votera "oui" aura voté "oui" à l'Europe. Mais toute la gauche est
pour l'Europe. La gauche qui votera "non" aura voté "non" à la loi de l'argent.
Mais toute la gauche est contre la souveraineté de l'argent et pour le retour de
la souveraineté populaire.
Quel que soit le résultat du référendum, il faut donc rassembler les deux
gauches. Aucun règlement de compte ne doit être toléré au soir du 29 mai.
Le peuple doit garder la parole. Fort des structures de terrain et de proximité
de la démocratie participative, il doit faire entendre sa voix.
Dès le soir du 29 mai, la résistance doit s'organiser. La victoire de la gauche
et de l'espoir en 2007 est possible, comme en 2004.