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La presse européenne généralement sévère sur l'intervention de Chirac

samedi 16 avril 2005, 18h15

PARIS (AFP) - "Représentation de second ordre", "complètement ratée", "dialogue de sourds": la presse européenne de samedi était généralement sévère sur l'intervention télévisée du président Jacques Chirac en faveur du "oui" au référendum français sur le traité constitutionnel européen.

Alors que tous les sondages d'opinion depuis un mois donnent le "non" en tête, M. Chirac a tenté jeudi soir d'inverser la tendance lors d'un long plaidoyer pour le "oui" sur la chaîne privée de télévision TF1, devant quelque 80 jeunes réunis au palais de l'Elysée.


C'est la presse allemande qui est la plus dure dans ses commentaires.

"Il soufflait un air de RDA dans le studio, alors qu'un public obséquieux posait ses questions sur la Constitution européenne au président Jacques Chirac qui expliquait à ses compatriotes, parfois menaçant, parfois paternaliste, comment ils devaient voter le 29 mai", écrit le quotidien conservateur Die Welt.

Pour le journal de centre droit Sueddeutsche Zeitung, "malgré une mise en scène minutieuse et le cadre pompeux du palais de l'Elysée, ce fut une représentation de second ordre".

Dans un éditorial intitulé "La faute du président", le quotidien estime que "Jacques Chirac n'est pas l'homme qui peut faire accepter la Constitution européenne aux Français". "Contrairement à son prédécesseur François Mitterrand, qui était un Européen convaincu, Chirac agit face à Bruxelles avec la conscience de son pouvoir et de façon opportuniste", estime la Sueddeutsche Zeitung.

La presse autrichienne insiste sur la performance télévisuelle de M. Chirac, qu'elle juge décevante. "L'offensive de charme télévisée de Chirac a fait long feu", écrit le quotidien Kurier (centre), qui juge la prestation du président français "complètement ratée".

"Dans une émission qu'il s'était fait tailler sur mesure, sans opposant politique (...), le président s'est laissé bousculer par 83 jeunes au point d'apparaître énervé", note le journal, qui consacre une page entière à la montée du "non" en France.

Selon Der Standard (centre gauche), l'émission a montré un Chirac "sur la défensive", et "un échec de la Constitution européenne est devenu plus plausible" après sa prestation.


La presse britannique, elle, s'intéresse prioritairement aux conséquences qu'un "non" français aurait dans les autres pays de l'Union européenne.

Dans un long éditorial, le Financial Times, quotidien des milieux d'affaires, estime que "le choc psychologique du "non" en France serait énorme", et que "les premiers effets seraient la contagion du "non" français à d'autres Etats membres de l'UE".

Selon le Financial Times, "l'UE tomberait plus probablement dans une longue période d'introspection tortueuse similaire à celle qui a suivi le trouble autour du traité de Maastricht de 1992".

Même tonalité chez le Guardian (gauche), pour lequel "un "non" français serait un coup grave, probablement fatal" à l'ambition de l'UE de devenir "un acteur global plus efficace". Après une première prestation qu'il juge "crispée" et "terne", le Guardian appelle M. Chirac à "faire de son mieux à l'approche du 29 mai".


En Italie, le quotidien économique Il Sole 24 Ore raille M. Chirac, sous le titre "La fin de la grandeur", et il ironise sur son utilisation répétée du célèbre appel du pape Jean Paul II "N'ayez pas peur".

"Cela faisait vraiment un drôle d'effet d'entendre le laïque Chirac, celui qui plus que tout autre en Europe s'est opposé à l'insertion de toute référence aux racines chrétiennes de l'Europe dans la Constitution, utiliser les paroles d'un pape", écrit le journal.

Pour La Repubblica (gauche), l'intervention de Chirac a été "un dialogue de sourds (entre) le pays et sa classe dirigeante, chacun avec ses angoisses et ses préoccupations, qui à aucun moment ne coïncidaient".


La presse espagnole consacre des articles factuels à l'intervention de M. Chirac. C'est aussi le cas au Danemark et en Norvège.


En Suède, le quotidien populaire Aftonbladet se demande, dans un éditorial intitulé "Le référendum pourrait être le dernier soupir de Chirac", si les électeurs socialistes français vont voter "non" pour refuser le traité constitutionnel "ou bien pour tenter de se débarrasser du président Chirac et de sa clique bourgeoise relativement corrompue".


Les seules notes positives viennent de journaux qui louent M. Chirac d'avoir pris le risque d'un débat public, comme Der Standard à Vienne ou Eleftherotypia à Athènes