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Monde - France

 

Un spectacle affligeant

Jean-Pierre Robin
[09 mars 2005]

Peut-on sérieusement s'intéresser à la réforme du pacte de stabilité et de croissance lorsqu'on n'appartient pas au microcosme bruxellois, si l'on n'est pas un eurocrate ou un observateur encarté à la Commission européenne ? Depuis plus d'un an que le feuilleton échauffe les esprits, le spectacle qui nous est offert est affligeant. La technicité des débats dans laquelle les spécialistes se complaisent constitue un cache-misère bien commode : cela évite de regarder les problèmes fondamentaux, qui, en tant que tels, sont pourtant simples.

Tout d'abord, personne ne met en doute la nécessité d'une règle de conduite globale entre des pays qui partagent la même monnaie. A partir du moment où les nations gardent leur souveraineté pour lever l'impôt et décider des dépenses publiques, il convient d'instituer des garde-fous en matière de déficit et de dette. C'est indispensable, car l'euro a supprimé toute sanction financière ou monétaire vis-à-vis des pays pris individuellement.

La monnaie européenne constitue, si l'on n'y prend garde, un encouragement à l'irresponsabilité en matière de finances publiques. Il est admis aujourd'hui que la France, pour ne citer qu'elle, aurait été contrainte à une plus grande rigueur de sa gestion publique si elle avait dû en supporter les conséquences monétaires à travers le franc.

On note que les plus ardents défenseurs du pacte de stabilité sont le Medef et la Confindustria italienne qui s'opposent à tout assouplissement : les patrons français et italiens savent que leurs pays ont une longue tradition de laxisme budgétaire et que cette dérive doit absolument être encadrée. La règle de discipline commune entre les gouvernements européens est censée exercer la fonction de gendarme qui était autrefois celle des marchés financiers.

Cette légitimité ne saurait évidemment valider l'actuel mode de fonctionnement du pacte, dont chacun reconnaît l'absurdité congénitale. Il fixe en effet des bornes supérieures de déficits ou de dettes (pas plus de 3% et 60% du PIB respectivement). Sa sonnette d'alarme s'allume lorsque le mal est fait et au moment où il est le plus difficile d'y remédier : en période de faible croissance économique.

Dans ce sens-là, il est nécessaire d'«assouplir» le pacte. Ce faisant, la France, l'Allemagne et l'Italie, dont les comptes sont les plus déséquilibrés depuis cinq ans, ont eu tendance à jouer sur les mots. Au lieu de mettre l'accent sur une plus grande souplesse de fonctionnement à moyen terme – quitte à accepter de dépasser la borne de 3% de déficit lorsque la conjoncture est vraiment médiocre, selon la pratique américaine –, on a voulu se donner des facilités immédiates. Ne pourrait-on pas exclure des règles du jeu certaines dépenses, pour la réunification allemande, pour la recherche, pour la défense, etc. ?

Ces propositions se parent de grands mots : «souveraineté nationale», «grands desseins» technologiques ou militaires. Elles sont mues en réalité par des motivations électoralistes : les gouvernements ont peur de perdre toute marge de manoeuvre au moment où ils estiment en avoir le plus besoin.