L'humanité - 13 mai 2005
Quand Delors critiquait la constitution
Le 27 avril 2004, Jacques Delors participe à une rencontre organisée par les
amis de l'institut François Mitterrand, au Sénat à Paris. L'ancien président de
la Commission européenne parle de l'Europe et de la constitution. Un mot qui, à
l'époque, a le don de le mettre en colère. « Ne me parlez pas d'une constitution
à propos de ce traité ! (...) Vous êtes prêt à accepter que la Cour de justice
européenne s'occupe de tout, y compris des problèmes demeurés nationaux ? » Il
expliquait également qu'une constitution nationale
« on peut la changer à la majorité, mais là on a une constitution qui doit être
acceptée par les 25, et ensuite faire l'objet d'une approbation nationale. Non,
on se moque du monde ! » Jacques Delors poursuit : « On a ajouté dans ce texte
dit "constitution" une troisième partie intitulée "Les politiques". C'est comme
si, dans la Constitution française, chaque fois qu'on changeait de gouvernement,
on changeait de constitution pour dire qu'on allait faire telle ou telle
politique sociale. Une politique que vous appliquerez au jour le jour, ce n'est
pas du ressort de la Constitution ! »
Et de poursuivre sur la politique sociale, en expliquant : « On peut avoir un
texte amélioré. Comme par hasard, les deux groupes de travail qui n'ont pas
fonctionné, à la Convention, c'est celui sur l'Union économique et monétaire et
celui sur le social (...). Il faut revenir en arrière. Il faut revoir les
textes. »
Un an plus tard, dans le Nouvel Observateur, le même Jacques Delors juge que la
partie III est un simple « règlement de copropriété », que « la constitution est
un texte où la préoccupation sociale existe tout autant que le souci économique
». Quant à ceux qui disent aujourd'hui la même chose qu'il affirmait il y a un
an à peine, « ils mentent. Ce sont des mauvais bergers, des joueurs de flûte »,
assure l'ancien président de la commission européenne. On sait cependant que
Jacques Delors joue du pipeau en affirmant que la renégociation est « une
chimère ». Hier il a été obligé de reconnaître dans un entretien au Monde (daté
vendredi 13 mai) que « le devoir de vérité impose de dire qu'il peut y avoir un
plan B mais il faut expliquer l'extrême difficulté du problème ».